Savoir-Nager : 12 places disponibles, 310 enfants qui attendent, et le silence des élus

Plus personne ne comprend rien à l’affaire du club historique de natation de Noisy-le-Sec. On souffle le chaud et le froid tour à tour, pendant qu’un maire s’efforce d’apparaître en sauveur. Pourtant, la vérité est plus simple qu’il n’y paraît.
Il existe une cruauté particulière dans l’art de tuer sans lever la main. Celle qui s’habille de procédures, qui se drape dans la légalité, qui sourit en tendant des documents impossibles à remplir. En cet automne 2025, à Noisy-le-Sec, cette chorégraphie bureaucratique atteint son apogée. Sur les murs de la piscine municipale, une affichette annonce toujours 12 places disponibles par jour. Mais aujourd’hui, en réunion, Est Ensemble a tranché : Le temps a fait son œuvre, patient et méthodique. Les créneaux municipaux se remplissent, l’installation durable est achevée. Désormais, le CNN peut fermer la porte officiellement, du moins pour l’activité Savoir-Nager, priorité nationale. Et pendant que les familles découvrent avec stupeur cette sentence administrative, pendant que 76 ans d’histoire s’effacent derrière un refus poli, une question demeure, suspendue comme un orage qui refuse d’éclater : qui a-t-on réellement protégé ?
Au 9 octobre 2025, la rentrée associative est bien entamée, période cruciale où se joue l’avenir d’un club, la fidélisation des familles et la mobilisation des bénévoles. Chaque semaine de retard met davantage en péril le tissu associatif.

La réunion du jour avec Est-Ensemble : quand le non devient officiel

Aujourd’hui, ce qui était stratégie silencieuse devient une vérité assumée. En réunion, Est-Ensemble annonce la couleur : e CNN n’aura aucun créneau pour l’apprentissage de la natation. Point final. Peu importe que le club soit régularisé depuis le 2 octobre 2025. Peu importe que ses comptes soient certifiés, ses droits d’engagement sécurisés, ses éducateurs mobilisés. Peu importe que 310 enfants attendent depuis des mois de retourner à l’eau.

Faisons le calcul ensemble : Est Ensemble dispose de 120 places. Le CNN a 310 enfants inscrits. Même en récupérant l’intégralité des 120 places municipales (ce qui ne se fera jamais), il resterait 190 enfants sans solution. Mais aujourd’hui, Est Ensemble tranche plus radicalement encore : zéro place pour le CNN. Les 310 enfants peuvent attendre. Indéfiniment.

La justification ? Des garanties administratives. Mais pas n’importe lesquelles. Des garanties d’un genre nouveau, d’une sophistication bureaucratique qui frise l’œuvre d’art. Pour qu’Est Ensemble daigne envisager – envisager seulement, notez bien – d’attribuer un créneau au CNN pour l’apprentissage de la natation, il faudrait une confirmation écrite, doublement cosignée par le président du club ET le trésorier, tamponnée par les services de la préfecture, certifiée conforme par un huissier assermenté, rédigée sur papier à en-tête officiel avec filigrane sécurisé, accompagnée d’une attestation de la Fédération Française de Natation signée (de préférence avec le sang authentifié du président de ladite fédération), le tout transmis en recommandé avec accusé de réception au plus tard le 31 août – c’est-à-dire bien avant que le club n’ait pu régulariser sa situation, bien avant son assemblée générale du 30 septembre, bien avant toute possibilité matérielle de satisfaire ces exigences.

Autant demander au CNN de fournir l’anneau unique de Tolkien, le Saint Graal et une lettre de recommandation signée de Jules César. C’est techniquement une condition. Pratiquement, c’est une impossibilité. Juridiquement, c’est un refus déguisé en procédure. Politiquement, c’est un assassinat administratif en col blanc.

L’absurdité bureaucratique comme arme de destruction

Je dénonce cette « mascarade procédurale » : « On demande des garanties  au CNN que personne ne pourrait fournir dans les délais impartis, pour ensuite constater avec regret que, malheureusement, les conditions n’ont pas été remplies. C’est la mise à mort administrative dans toute sa splendeur. »

Les modalités proposées relèvent du théâtre de l’absurde. On imagine les échanges en réunion :

« Monsieur le Directeur, pensez-vous que trois signatures suffisent ? »
« Non, il en faut au moins cinq. Et un tampon holographique. Et une apostille notariée car ce n’est appris nulle part que LE Cercle des Nageurs Noiséens enseigne la natation ! »
 « Et si nous exigions également une lettre du Ministre des Sports ? »
« Excellente idée ! Datée d’avant la création du club, évidemment. »

Un parent, dans son courrier au maire, résume la situation avec justesse : « Vous demandez l’impossible pour justifier l’inacceptable. Vous érigez des murs de papier pour ne pas avoir à dire simplement : nous ne voulons plus du CNN.« 

Le temps comme arme : mission accomplie

Pendant des mois, la stratégie a été implacable. Septembre : communiqué municipal annonçant la rupture de la convention, publié juste avant la fête des associations. Octobre: Est Ensemble ouvre ses inscriptions pour 120 places. Novembre : les cours municipaux démarrent, les créneaux se remplissent tranquillement. Depuis plusieurs mois et jusqu’ici : procédures, exigences, délais, garanties impossibles.

Et maintenant, en ce jour de réunion, le verdict tombe : aucun créneau pour le CNN. Les 120 places municipales sont remplies, l’offre est stabilisée, le dispositif est pérenne. Mission accomplie. Le club historique peut bien agoniser maintenant, l’essentiel est fait : Est Ensemble s’est installé durablement sur le « Savoir Nager » pendant que le CNN se noyait dans la paperasse.

Sur les 310 enfants initialement inscrits au CNN, 120 ont été captés par l’offre municipale. Les 190 autres ? Ils attendront. Ou iront voir ailleurs. Ou abandonneront l’idée d’apprendre à nager. Dans une ville où un enfant sur deux ne sait pas nager, cette statistique n’a pas l’air de déranger grand monde dans les bureaux d’Est Ensemble.

Ce que le maire ne dit toujours pas

Le maire Olivier Sarrabeyrouse continue de se présenter en sauveur du CNN tout en se retranchant derrière ses partenaires institutionnels. Encore une fois, le confronte à nouveau face à ses propres contradictions : « Comment expliquez-vous le décalage entre vos annonces de soutien et cette décision d’aujourd’hui ? Entre le discours rassurant que vous tenez aux représentants de l’association et cette fermeture totale des créneaux ?« 

Les faits sont têtus : les subventions promises (20 000€ en 2024, 100 000€ en 2025) n’ont jamais été versées intégralement et à temps. Le CNN disposait de 100 000€ d’excédent avant la crise Covid. Les manquements successifs aux engagements publics ont provoqué sa dégradation financière. Aujourd’hui, la municipalité utilise les difficultés qu’elle a contribué à créer pour justifier son élimination définitive du secteur de l’apprentissage de la natation.




La responsabilité du maire est pleinement engagée. Pas seulement moralement. Juridiquement. Politiquement. Historiquement. On ne peut pas promettre un accompagnement, bloquer les subventions, imposer des conditions impossibles, puis se dérober derrière la « complexité administrative » quand vient le moment de rendre des comptes.  Si le Maire l’avait voulu, il l’aurait fait ! Question de volonté, question de courage politique… Mais voilà, il tient un double discours. Difficile, lorsqu’on a les fesses entre deux chaises, d’être à l’aise avec sa rhétorique, sa posture et son discours.

Les trois « solutions » empoisonnées

Rappelons les propositions d’accom- pagnement qui avaient été avancées, toutes aussi toxiques les unes que les autres :

La création d’une nouvelle association – effacer 76 ans d’histoire pour tirer un trait sur les dettes,  abandonner le patrimoine sportif, recommencer à zéro comme si rien n’avait existé avant. C’est illégal.

La mise sous tutelle orchestrée avec la Fédération – retirer progressivement le contrôle du club à ses bénévoles historiques sous prétexte de « professionnalisation ». C’est vindicatif et l’objectif recherché.

Le versement tardif et incomplet des subventions – juste assez pour maintenir le club sous perfusion, jamais suffisamment pour lui permettre de se redresser réellement.

Et maintenant, cerise sur le gâteau : des garanties administratives d’une complexité kafkaïenne pour accéder à des créneaux qui, de toute façon, ne seront jamais attribués.







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Les incohérences qui ne trompent plus personne

L’omission du CNN dans le  journal municipal  HORIZONS DE NOISY de septembre : un article sur le « Savoir Nager » sans mentionner une seule fois le club qui assure cette mission depuis 1947. Pas un mot sur les 76 ans d’histoire, les quatre titres de vice-champion de France consécutifs, les athlètes olympiques formés.

L’incohérence sportive assumée : comment développer le water-polo de haut niveau (Nationale 2, équipe U16 championne de France) sans base solide de jeunes nageurs ? Politiquement, on laisse le CNN gérer le water-polo (coûteux, exigeant) tout en lui retirant le « Savoir Nager » (visible, rentable électoralement). La stratégie actuelle semble viser une municipalisation complète des créneaux les plus valorisants sur le plan électoral, ceux du “Savoir Nager”, laissant au club historique les activités moins visibles et plus exigeantes, au mépris du choix associatif et du pluralisme sportif. 

La concurrence déloyale : Est Ensemble se positionne en concurrent direct du CNN tout en affichant publiquement son soutien. Cette schizophrénie institutionnelle a désormais un nom officiel : <zéro créneau.

« Libérez nos enfants » : la colère des familles face au mur

Sur les réseaux sociaux et dans les courriers au maire, la colère atteint son paroxysme. « Mes enfants ont perdu 1 mois d’activité !!!!! Maintenant vous leur refusez définitivement l’accès ? C’en est assez ! Libérez nos enfants et cessez votre mauvaise foi !« 

Un autre parent, dans un courrier officiel : « Dans une ville où un enfant sur deux ne sait pas nager, refuser tout créneau au CNN n’est pas seulement injuste : c’est criminel. Vous sacrifiez délibérément 190 enfants pour des raisons politiques. »

Quant à moi, j’enfonce le clou : « Est Ensemble prétend assurer la ‘continuité du savoir nager’ avec 120 places alors que 310 enfants attendent. Aujourd’hui, ils annoncent qu’aucun créneau ne sera attribué au CNN. C’est un aveu : il n’a jamais été question d’accompagner le club. Il s’agissait de le remplacer. »


La résilience brisée

Pendant des mois, le CNN a fait preuve d’une résilience extraordinaire. Ses dirigeants bénévoles ont engagé leurs fonds personnels. Ses adhérents ont participé financièrement. Tous ont fait le choix responsable de ne pas utiliser les cotisations 2025/2026 pour régler les dettes passées. Les comptes ont été certifiés. Les droits d’engagement régularisés. Le 2 octobre 2025, tous les voyants étaient au vert.

Mais quelle importance, quand la réponse institutionnelle est : « Désolé, aucun créneau ne vous sera attribué. Vous pouvez toujours nous envoyer vos garanties administratives signées par le Pape et certifiées par l’ONU, mais la décision est prise. »

Cette solidarité exceptionnelle, cet attachement profond des Noiséens à leur club historique, tout cela ne pèse rien face à une stratégie de remplacement menée avec méthode et patience.

Conclusion : quand les masques tombent et que l’histoire s’éfface

L’été s’est achevé sur Noisy-le-Sec, et avec lui, toute illusion. On ne remplace pas un club de 76 ans par accident. On le fait méthodiquement, bureaucratiquement, en dressant des murs de papier si hauts que personne ne peut les franchir.

Aujourd’hui, le masque est tombé. Est Ensemble n’accompagne pas le CNN. Est Ensemble le remplace. Les 12 places quotidiennes affichées à l’entrée de la piscine n’étaient pas un détail technique. Elles étaient le symbole d’une installation progressive, le temps nécessaire pour remplir les créneaux municipaux avant d’annoncer officiellement : « Désolé, il n’y a plus de place pour vous. »

Deux modèles s’affrontaient dans cette ville : celui qui croyait aux liens tissés depuis quatre générations, porté par des bénévoles passionnés, créateur de lien social et d’excellence olympique ; et celui qui préfère le contrôle absolu, la visibilité institutionnelle, la gestion directe calibrée. Le second vient de l’emporter.

Le CNN n’est pas mort, remarquez bien. Il pourra continuer à assurer ses activités de water-polo et d’aquagym. Pour le reste, le maire délègue à Est Ensemble pour les modalités opérationnelles, sans dire son mot, en laissant faire.  Rien pour l’apprentissage de la natation, du moins pas tant qu’Est Ensemble n’aura pas rempli au maximum ses créneaux, avant éventuellement – peut-être, si les astres s’alignent – de concéder quelques créneaux restants au club historique.

Personne n’est dupe de cette magnanimité calculée. Le Maire pourra toujours se réjouir et déclarer fièrement qu’il a sauvé le club, puisqu’il n’a pas disparu. Quelle belle victoire : un club amputé de sa mission historique, réduit à gérer les activités de niche pendant qu’Est Ensemble s’accapare le cœur visible et rentable de son activité. C’est l’art de sauver en tuant, de préserver en détruisant, de célébrer une survie dont on a organisé l’agonie.

Dans quelques mois, on dira : « Le CNN ? Ah oui, ils font du water-polo maintenant. Pour la natation, c’est Est Ensemble qui gère. C’est mieux organisé. » Et l’histoire se sera réécrite ainsi, doucement, administrativement, pendant que les familles épuisées auront fini par se résigner.

Désormais, le CNN, comme les familles lésées, peuvent saisir le tribunal administratif non seulement pour demander l’annulation de ce refus arbitraire, mais aussi pour obtenir réparation intégrale du préjudice moral, matériel et collectif subi (perte d’adhérents, désorganisation, perte de chance d’apprendre à nager, fracture sociale)

Mais une certitude demeure, hurlée par les parents désespérés : « Dans une ville où un enfant sur deux ne sait pas nager, refuser tout créneau au CNN n’est pas seulement injuste : c’est dangereux.« 

Face à ce constat, c’est collectivement que parents, bénévoles, élus vigilants et citoyens doivent exiger la transparence, le respect du droit, et l’égalité d’accès à l’apprentissage de la natation pour tous les enfants de Noisy-le-Sec. 

Oui, une certitude demeure. Quand une institution exige des garanties impossibles pour justifier un refus déjà acté, quand elle affiche 120 places alors que 310 enfants patientent, quand elle élimine 76 ans d’histoire à coups de tampons et de recommandés, ce n’est pas de la gestion de crise. C’est une mise à mort administrative.

Les petites trahisons d’hier – une subvention retardée, une convention rompue juste avant la fête des associations, un article municipal qui oublie 78 ans d’histoire – annonçaient la grande d’aujourd’hui : zéro créneau. Aucun. Jamais.

Le temps a fait son œuvre, silencieux et implacable. Le CNN survivra peut-être en water-polo. Mais pour le « Savoir Nager », pour ces 310 enfants, pour ces familles noiséennes qui croyaient en leur club historique, l’histoire s’arrête ici. Dans un bureau feutré, devant des documents impossibles à remplir, avec le sourire poli d’un directeur qui explique que, malheureusement, les conditions n’ont pas été remplies.

Et pendant que les enfants attendent toujours de retourner à l’eau, une vérité s’impose, aussi limpide que cruelle : on ne protège jamais vraiment ceux que l’on prétend sauver. On protège ceux qui ont le pouvoir de décider qui se noiera et qui apprendra à nager. Dans cette ville où un enfant sur deux ne sait pas nager, quelqu’un a choisi. Quelqu’un a décidé que 310 enfants attendraient indéfiniment, que 76 ans d’histoire pouvaient s’effacer d’un trait de plume, que les liens tissés depuis quatre générations ne pesaient rien face à 12 places quotidiennes bien calibrées.

Ce dossier dépasse la seule question sportive : il engage les principes démocratiques, l’accès de tous aux équipements publics, la transparence administrative et la capacité des citoyens à défendre leurs droits face à une municipalisation autoritaire et opaque.

Oui, quelqu’un a choisi. Et ce choix, dissimulé derrière des garanties impossibles et des procédures kafkaïennes, révèle ce que nous savions déjà : dans ce monde où les institutions prétendent servir le bien commun, certains apprennent à nager pendant que d’autres apprennent à se noyer en silence. C’est ainsi que l’histoire s’écrit, dans les bureaux feutrés où les décisions se prennent loin des regards, loin des cris des enfants, loin de la mémoire collective.

Et ceux qui aujourd’hui célèbrent leur victoire administrative découvriront peut-être un jour ce qu’ils ont vraiment protégé : pas les enfants, pas les familles, pas même l’intérêt général. Seulement le pouvoir de décider qui mérite de survivre et qui mérite de disparaître.

Cet article s’inscrit dans le cadre de la liberté d’expression garantie par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.Les faits, citations et témoignages évoqués reposent sur des éléments disponibles, des documents syndicaux publics et des informations d’intérêt général au moment de la publication.Aucune imputation personnelle de nature diffamatoire n’est formulée à l’encontre d’un individu déterminé.
L’article relève d’une démarche d’information et d’analyse sur le fonctionnement institutionnel d’une collectivité publique, sans intention de nuire ni d’atteindre à l’honneur d’une personne.Toute précision ou rectification documentée sera naturellement publiée à la demande des intéressés dans le respect du droit de réponse.