Ces éléments techniques font craindre une transformation immobilière susceptible de mettre en péril le maintien du service postal dans les mois ou années à venir. Une inquiétude d’autant plus fondée que par le passé, sous les mandatures de Nicole Rivoire, Alda Pereira Lemaitre et Laurent Rivoire, La Poste avait déjà tenté à trois reprises de fermer cette annexe, obligeant les élus de l’époque à se mobiliser pour sa préservation.
La Poste Stephenson encore menacée
Dans le grand théâtre municipal, il existe deux types d’acteurs : ceux qui allument les lanternes avant que la nuit ne tombe, et ceux qui attendent l’obscurité totale pour s’étonner qu’on n’y voie plus rien. L’histoire humaine, cette impitoyable archiviste, a appris à distinguer les sentinelles des somnambules.
La vigilance ou l’art d’anticiper
Dans les rues tranquilles de Noisy-le-Sec, une transaction immobilière ordinaire vient de révéler une vérité que beaucoup préfèrent ignorer : l’indifférence coûte bien plus cher que la vigilance.
Lorsqu’Olivier Deleu tire la sonnette d’alarme sur la vente des murs de l’annexe postale du quartier Stephenson, certains crient à l’alarmisme. Mais l’histoire nous enseigne que les Cassandre ont souvent raison – simplement, on ne les écoute qu’après le désastre.
L’anatomie d’une alerte légitime
Permettez-moi, en ma qualité d’observateur du droit et des comportements humains, de disséquer cette affaire avec la rigueur qu’elle mérite.
Les faits, ces entités têtues qui résistent aux opinions, parlent d’eux-mêmes : une vente à 3 688€/m², un droit à bâtir valorisé à 200 000€, une possibilité de surélévation de 240 m², une toiture en béton armé ne nécessitant aucun renforcement. Ces éléments ne relèvent pas de la spéculation – ils constituent le terreau fertile d’une transformation programmée.
Or, comme le rappelle avec justesse l’article L145-17 du Code de commerce, un propriétaire dispose de leviers pour mettre fin à un bail commercial, notamment via l’article L145-18 qui encadre les modalités de reprise.
Ainsi, les murs de l’annexe postale du quartier Stephenson changent de mains à 3 688€/m² – un prix qui, notons-le au passage, contraste singulièrement avec ces deux parcelles de 1207 m² rue Saint-Just, généreusement cédées à 107€/m² par les élus de la majorité le jeudi 2 octobre 2025. L’arithmétique municipale, voyez-vous, obéit parfois à des logiques qui échappent au simple bon sens.
Croire qu’un acquéreur investirait 200 000€ de droits à bâtir pour ne jamais les exploiter relève de cette naïveté touchante que seuls pratiquent ceux qui n’ont jamais observé le ballet impitoyable de l’immobilier commercial.
Car voyez-vous, c’est là tout le paradoxe de la vigilance : elle ne reçoit jamais de médaille. On ne célèbre pas les incendies qui n’ont pas eu lieu, on ne remercie pas ceux qui ont fermé la porte avant que le loup n’entre.
Pourtant, l’histoire locale murmure ses avertissements : sous Nicole Rivoire, Alda Pereira Lemaitre et Laurent Rivoire, cette même annexe a déjà failli fermer à trois reprises. Les précédents ne mentent jamais – ils parlent simplement aux oreilles de ceux qui veulent bien les entendre.
Les leviers méconnus de la puissance publique
Que peut faire la Ville ? » demandent les sceptiques, avec cet air résigné de ceux qui ont déjà abandonné. Ah, mes chers concitoyens, permettez-moi de vous éclairer sur ces outils juridiques que même certains élus semblent ignorer.
La négociation préalable avec l’acquéreur pour obtenir des engagements écrits – gratuit, efficace, responsable. Le dialogue avec La Poste pour sécuriser un bail longue durée – coût nul, impact majeur.
L’utilisation de clauses urbanistiques liant toute autorisation de surélévation au maintien du service public – l’intelligence pure au service de l’intérêt général.
Et enfin, la mobilisation du Plan Local d’Urbanisme pour protéger les commerces de proximité – un bouclier législatif trop souvent laissé au placard.
Choisir l’inaction n’est pas ne rien faire. C’est choisir de laisser les autres décider à notre place. L’anticipation ne coûte rien. L’inaction coûte un service public. Dans ce ballet bien connu de l’indécision municipale, le temps fait son œuvre silencieuse pendant que la municipalité temporise, réfléchit, évalue.
Le faux dilemme des priorités
Certains, dans leur sagesse toute relative, opposent cette vigilance postale aux « vrais » combats : désertification médicale, politique jeunesse, sécurité. Comme si un élu responsable ne pouvait marcher et mâcher du chewing-gum simultanément. Cette rhétorique du « parlons d’abord de X avant de parler de Y » constitue le refuge intellectuel de ceux qui, au fond, ne veulent parler de rien.
Un candidat peut – doit – traiter plusieurs sujets. Ce n’est pas l’un OU l’autre. C’est l’un ET l’autre. L’histoire municipale ne se souvient que des désastres, jamais des silences précautionneux qui les ont prévenus.
Dire « ne parlez pas de La Poste tant qu’il y a d’autres problèmes » ? C’est absurde. C’est condamner l’action à l’immobilité perpétuelle, car il y aura toujours un autre problème, une autre urgence, une autre raison d’attendre.
L’éloge de la cassandre
« Même si tu as raison, ça ne te donnera pas de crédit », assène-t-on à Olivier Deleu. Quelle étrange conception de l’engagement politique ! Un élu ne mesure pas sa légitimité au crédit qu’on lui accorde, mais à sa capacité d’anticiper les menaces pesant sur ses administrés.
La vérité sur la vigilance politique est troublante : les regrets sont toujours plus éloquents que les précautions, et les épitaphes des services publics disparus commencent invariablement par les mêmes mots – « Si seulement nous avions… »
Préférons-nous des élus qui attendent le désastre pour pleurer avec nous, ou des sentinelles qui, au risque d’être qualifiées d’alarmistes, sonnent le tocsin avant l’incendie ?
La Poste ferme des bureaux partout en France. Elle rationalise ses implantations avec la méthodologie froide d’une entreprise qui optimise son réseau. Si elle est évincée à l’échéance du bail, elle ne reviendra pas.
C’est maintenant qu’il faut agir. Pas après, quand les habitants du quartier Stephenson devront parcourir des kilomètres pour poster un recommandé.
Les métamorphoses opportunes de la mémoire politique
Oui, il existe dans l’écosystème municipal une forme de transformation qui défie toutes les lois de la nature : celle qui permet à ceux qui se taisent aujourd’hui de devenir demain les hérauts les plus tonitruants de la cause qu’ils ont ignorée.
L’ironie de cette affaire tient tout entière dans cette prophétie que l’histoire municipale vérifie avec une constance troublante : ceux qui aujourd’hui se terrent dans le silence prudent, ceux qui accusent Olivier Deleu d’alarmisme déplacé, ceux qui haussent les épaules devant ses avertissements – ce seront précisément eux qui, lorsque la porte de l’annexe postale se fermera définitivement, monteront au créneau avec une indignation théâtrale pour dénoncer cette fermeture inacceptable.
Car la mémoire politique possède cette faculté merveilleuse de s’effacer sélectivement. Elle oublie commodément qui a alerté en amont, qui a proposé des solutions, qui a tenté d’allumer les lanternes avant la nuit. Elle ne retient que l’instant présent, celui où il devient enfin respectable, populaire et sans risque de défendre ce qui n’existe déjà plus.
Les tribunes des services publics disparus sont toujours bondées de leurs anciens fossoyeurs reconvertis en pleureuses professionnelles. C’est la grande comédie municipale : ceux qui empêchent l’action deviennent ceux qui déplorent l’inaction. Et dans cette transmutation miraculeuse, l’histoire se réécrit avec une facilité déconcertante.
Demain, peut-être, on verra fleurir les communiqués indignés, les pétitions tardives, les tribunes enflammées sur « la mort des services publics de proximité ». On entendra les mêmes voix qui aujourd’hui minimisent l’alerte dénoncer avec véhémence ce qu’elles auront contribué à laisser advenir. Car il est tellement plus confortable de pleurer ensemble sur les ruines que de construire seul les digues.
Épilogue d’une vigilance nécessaire
Oui, dans chaque ville sommeille une vérité que peu osent regarder en face : l’inaction porte toujours un costume respectable. Elle se drape dans les plis élégants de la prudence, se pare des bijoux de la mesure, et murmure avec une douceur rassurante que demain sera bien assez tôt pour agir.
Pendant qu’Olivier Deleu allume sa lanterne dans la nuit naissante, pendant que les données immobilières murmurent leurs avertissements à qui veut les entendre, la ville fait ce que font toutes les villes face aux prophètes inquiets : elle observe, elle évalue, elle attend.
Mais dans quelques années, quand les habitants du quartier Stephenson se demanderont où est passée leur annexe postale, quelqu’un se souviendra peut-être qu’un homme avait essayé de les prévenir.
À ce moment-là, comme toujours, il sera délicieusement trop tard pour avoir eu raison trop tôt.
Mieux vaut être accusé d’alarmisme et obtenir des garanties, que rester passif et pleurer ensuite la fermeture d’un service public essentiel.
Car au fond, nous préférons avoir tort ensemble que raison tout seuls. C’est tellement plus confortable.