Les majestueux lustres en fer forgé avec des ampoubles enveloppées par des pétales en verre blanc, de la salle du Conseil, témoins silencieux de décennies de débats municipaux, ont éclairé de leur lumière impartiale une scène digne des meilleures pièces du théâtre républicain.
Jean-Paul Lefebvre, ancien maire-adjoint aux finances, y a déployé un réquisitoire chiffré contre la gestion municipale actuelle avec la précision d’un horloger suisse démontant une montre défectueuse.
La logique implacable des chiffres
L’arithmétique, cette science sans pitié, ne souffre guère les approximations. Les données présentées par M. Lefebvre dessinent un tableau sans concession : une augmentation des recettes de fonctionnement de 18% sur cinq ans, un produit fiscal gonflé de 30% (passant de 31,5 millions en 2020 à 41 millions en 2025), le tout dans un contexte où l’inflation n’a progressé « que » de 14%.
Face à cette manne financière, que propose l’exécutif municipal ? Un bilan famélique qui fait dire à l’élu d’opposition : « De l’argent dans le budget de la commune, il y en a. Il y a de quoi agir, il y a de quoi investir et il y a de quoi proposer des services nouveaux à la population. »
Le diagnostic est sans appel : « Absence de projet et absence totale d’ambition. »
Les fantômes des promesses évanouies
La litanie des engagements non tenus égrenée par l’ancien édile résonne comme un mémorial aux projets avortés : maison de la jeunesse, maison des associations, maisons de quartier, rénovation urbaine… Autant d’initiatives annoncées avec emphase en 2020 et qui demeurent à l’état de chimères cinq ans plus tard.
À cela s’ajoutent les 700 000 euros de charges supplémentaires pour le SIPLARC, après les 1,8 million déjà versés en 2023 et 2024, conséquence selon l’orateur d’une « gestion catastrophique » sous la direction de Mme Grunebaum.
Un constat d’autant plus amer que l’indice d’inflation du secteur de la restauration collective a progressé de 23% depuis 2021 sans que les tarifs n’aient été ajustés proportionnellement.
La SPL : gouffre financier ou choix stratégique contestable ?
Le stationnement payant, cette manne providentielle censée renflouer les caisses municipales, se révèle être un mirage financier. Sur le million d’euros de recettes escomptées, 800 000 euros sont absorbés par les charges liées à la Société Publique Locale (SPL) créée conjointement avec Bobigny – ville qui, ironie suprême, n’a pas instauré de stationnement payant sur son territoire.
Jean-Paul Lefebvre continue à se poser une question que les noiséens se posent : « Etait il bien utile de faire appel à une SPM créée avec Bobigny alors que Bobigny ne gère pas de stationnement payant ? Il y a 0 stationnement payant à Bobigny et c’est à un Noisy qu’elle est mise en place ! »
« Cette SPL nous coûte très cher, » fustige l’ancien maire-adjoint, rappelant que la commune dispose de dix Agents de Surveillance de la Voie Publique (ASVP) qui « auraient très bien pu gérer le stationnement payant, » permettant ainsi d’économiser 800 000 euros et de récupérer « plus d’un million d’euros de recettes nouvelles. »
Des investissements virtuels
L’épargne brute affichée par la municipalité est qualifiée de « purement fictive » par M. Lefebvre, qui pointe du doigt l’absence d’investissements concrets.
Les 450 000 euros alloués au nouveau conservatoire se réduisent à une inscription comptable sans effet immédiat, puisque « le comité de concertation citoyenne va avoir 9 mois pour travailler. » De même, le million d’euros prévu pour la piscine reste une énigme quant à son utilisation précise.
Quant aux 500 000 euros destinés à la halle sportive du Collège Prévert, l’ancien élu aux finances rappelle avec acuité que la municipalité « n’a pas commencé l’esquisse de l’ombre d’un projet sur cette question. »
Quand le règlement étouffe le débat
Face à cette démonstration implacable, le maire a préféré brandir le règlement intérieur plutôt que de répondre sur le fond.
Le micro de l’orateur a été coupé à trois reprises, transformant ce qui aurait dû être un débat démocratique en une censure à peine voilée.
« Les atteintes à la démocratie locale, je les combats aussi. On n’est pas chez Poutine. On n’est pas dans le régime soviétique, » a protesté Jean-Paul Lefebvre, avant de se voir définitivement privé de parole.

Jean-Paul Lefebvre - Extrait
Conseil Municipal 30/01/2025
Le débat se poursuit sur les réseaux sociaux
Si le maire peut couper le micro en conseil municipal, il ne peut guère faire taire les réseaux sociaux. Les échanges se poursuivent désormais sur Facebook, où Jean-Paul Lefebvre continue son réquisitoire, cette fois sans risque d’être interrompu – à moins que le premier magistrat ne choisisse de le bloquer, ce qui serait perçu comme un aveu de faiblesse.
Les passes d’armes virtuelles sont aussi acérées que les confrontations en présentiel. À une tentative de déstabilisation du maire qui écrit : « peu en 5 ans est toujours mieux que rien en 40 ans. »
Olivier Sarraybeyrouse croit bon préciser : « La médiocrité ne vieillit pas comme le vin de qualité« , l’ancien adjoint aux finances rétorque avec mordant : « Je n’ai jamais été maire de cette Ville de Noisy-le-Sec. Donc, je n’ai pas de bilan à défendre. »
Jean-Paul Lefebvre poursuit : « Mais, je vois que tu critiques le bilan de Roger Gouhier et de son successeur Jean-Louis Mons, tous deux maires PC, comme toi. Occupe toi de ton propre bilan de maire, il va falloir bientôt le présenter aux Noiséens. Bon courage ! »
L’implacable arithméticien poursuit son analyse sans filtre sur la plateforme :
« On a augmenté les impôts des Noiséens de 14% en 2023 et de 33% depuis 2020 ! Et cela pour quoi ? Déplacer deux containers ?«
Une question qui reste sans réponse de la part du maire, et que les Noiséens sont en droit de se poser.
L’ironie de l’histoire : l’ancien frondeur devenu censeur
L’attitude autoritaire du maire communiste de Noisy-le-Sec prend une dimension particulièrement ironique quand on se penche sur le passé politique du premier magistrat. La mémoire politique locale n’a pas oublié les origines de celui qui censure aujourd’hui le débat démocratique tout en dénigrant ses prédécesseurs issus de sa propre famille politique communiste.
La première fois que j’ai entendu parler de cet homme au sourire aussi ravageur que sa politique, c’était par ses turpitudes d’antan, lorsqu’il s’essayait à l’art subtil de la fronde municipale entre 1995 et 2002, au sein même de son propre camp !
La soirée du second tour des élections municipales de 1995, un 18 juin, fut une soirée inoubliable. Fraîchement propulsé conseiller municipal suite au décès du vénérable Roger Gouhier (maire depuis 1979), sous l’égide de Jean-Louis Mons (alors premier adjoint) qui lui succéda en mars 1995, notre actuel premier édile s’illustra rapidement surtout et tristement alors par une désinvolture confondante, orchestrant une insurrection interne au sein même parti communiste qui aurait fait rougir de jalousie les vétérans de la Commune de Paris.
Du fait de son comportement dans lequel il a monté les uns contre le Maire communiste en place, qu’il sera sanctioné et ne figurera sur aucune liste électorale en 2002.
Aujourd’hui, celui qui jouait autrefois les Robespierre au sein de son propre camp se retrouve dans le rôle du censeur, interrompant les voix dissidentes d’un simple geste technique. L’histoire a parfois un sens de l’ironie particulièrement acéré.
In Fine
Cette scène édifiante illustre parfaitement les dérives d’une gouvernance locale qui préfère étouffer les voix dissonantes plutôt que d’affronter la réalité des chiffres. Comme l’écrivait Victor Hugo :
« La forme, c’est le fond qui remonte à la surface. » – Victor Hugo
En l’occurrence, la forme – brutale et autoritaire – adoptée par le maire révèle en creux la vacuité d’un projet municipal à bout de souffle.
Dans l’arène municipale de Noisy-le-Sec, les chiffres ont parlé. Reste à savoir si les électeurs sauront les écouter lors du prochain rendez-vous démocratique.