Les majestueux lustres de la salle du Conseil municipal éclairaient de leur lumière crue une scène qui n’aurait pas déparé dans un vaudeville politique. La séance budgétaire du 20 mars dernier, censée être consacrée aux finances de la commune, a rapidement dévié vers une querelle aussi absurde qu’embarrassante.
Le féminisme comme arme de diversion
Mme Anne Déo, adjointe déléguée à la santé et aux solidarités, a cru pertinent d’ouvrir son intervention par ce qu’elle a elle-même qualifié de « boutade » : « Je remarque, mes chers collègues élus, que pas une seule femme n’a pris la parole sur la question du budget« .
Une observation qui aurait pu avoir quelque valeur si elle avait été suivie d’une analyse circonstanciée des enjeux budgétaires.
Mais non. Cette entrée en matière fallacieuse ne visait qu’à détourner l’attention des questions de fond. Car enfin, si aucune femme n’avait pris la parole avant elle, qui donc l’en empêchait ?
La cause des femmes mérite mieux que d’être instrumentalisée comme paravent rhétorique pour masquer l’absence d’arguments solides.
La majorité divisée contre elle-même
Plus révélateur encore fut l’échange entre Mme Déo et M. Médy Labidi, adjoint de quartier issu des rangs socialistes. Ce dernier, visiblement agacé par l’accusation à peine voilée, a riposté avec une franchise désarmante : « Je trouve ça en effet ri-di-cul-le, l’attaque qui a été faite : personne, je dis bien personne ici n’empêche les femmes de parler. »
La tension entre ces deux membres d’une même majorité est symptomatique d’une coalition bancale où les alliés d’hier deviennent les adversaires d’aujourd’hui.
Mme Déo, loin de s’excuser pour sa sortie maladroite, a préféré doubler la mise en évoquant le tramway et le conseil départemental, dirigé par M. Troussel, socialiste comme M. Labidi en lui donnant une leçon de morale : « Je pense que si nous allions voir, tous ensemble, M. Troussel (Président du département) et la majorité socialiste départemental, peut être aurions nous un peu plus de poids« .
L’art consommé du double discours
La réponse cinglante de M. Labidi a mis en lumière l’hypocrisie de la situation : « Vous avez raison : invitez nous ! Invitez-nous aux réunions avec le département, voir nos chers camarades socialistes. Nous n’attendons que ça, et pour preuve, je demande à participer aux réunions. Je n’ai été invité qu’une seule fois à un réunion sur le Tramway depuis le début du mandat. Je n’ai été invité qu’une seule fois, et depuis, plus jamais invité. »
Voilà donc comment la « majorité » traite ses propres membres : les socialistes sont bons pour figurer sur les affiches électorales, mais priés de rester silencieux une fois l’élection passée.
Cette scène édifiante nous rappelle que la politique locale, loin des grands principes affichés, se résume trop souvent à des querelles d’ego et des luttes intestines pour le pouvoir. Pendant ce temps, les problèmes concrets des Noiséens restent sans réponse.
L’histoire se répète : de l’opposant frondeur au maire autoritaire
Cette situation n’est guère surprenante quand on connaît le parcours du maire actuel. La première fois que j’ai entendu parler de cet homme au sourire aussi ravageur que sa politique, c’était par ses turpitudes d’antan, lorsqu’il s’essayait à l’art subtil de la fronde municipale entre 1995 et 2002, au sein même de son propre camp !
La soirée du second tour des élections municipales de 1995, un 18 juin, fut une soirée inoubliable.
Fraîchement propulsé conseiller municipal suite au décès du vénérable Roger Gouhier (maire depuis 1979), sous l’égide de Jean-Louis Mons (alors premier adjoint) qui lui succéda en mars 1995, notre actuel premier édile s’illustra rapidement surtout et tristement alors par une désinvolture confondante, orchestrant une insurrection interne au sein même parti communiste qui aurait fait rougir de jalousie les vétérans de la Commune de Paris.
Du fait de son comportement dans lequel il a monté les uns contre le Maire communiste en place, qu’il sera sanctioné et ne figurera sur aucune liste électorale en 2002.

Anne Déo - Extrait
Conseil Municipal 30/01/2025
L’histoire est un éternel recommencement : celui qui contestait hier l’autorité de son prédécesseur est devenu aujourd’hui le chantre d’une gestion verticale où les alliés socialistes sont traités comme quantité négligeable et où les voix dissonantes sont étouffées – comme en témoigne le traitement réservé à M. Lefebvre, dont le micro est quasi systématiquement coupé lors de cette même séance.
Quid du budget ?
Dans cette pantalonnade politique, une question demeure : qu’en est-il des finances communales ? Des projets pour améliorer le quotidien des Noiséens ? Des investissements structurants pour l’avenir de la ville ? Sur ces sujets de fond, Mme Déo n’a jugé utile de s’exprimer substantiellement.
En définitive, ce conseil municipal du 20 mars aura été révélateur des dysfonctionnements profonds qui minent l’action publique locale : querelles personnelles, alliances contre nature, et surtout, incapacité chronique à débattre sereinement des vrais enjeux. Les Noiséens méritent mieux que ce théâtre d’ombres où les ego prennent le pas sur l’intérêt général.
Je retiendrai également que les interventions de Madame Déo étaient beaucoup plus pertinentes et intéressantes lorsqu’elle était cantonnée dans son rôle d’élue dans l’opposition que lorsqu’elle est aux commandes. Comme quoi, certains esprits brillent davantage dans la contestation que dans l’action, à l’image de cette majorité dont le bilan s’avère aussi creux que les débats qu’elle suscite.